Description |
L’histoire japonaise, son histoire intellectuelle en particulier, sont trop souvent coupées de l’histoire mondiale. Parfois un nom fait recette, le temps d’une mode : Mishima, Nishida, le haiku, le « MA », le Zen, mais on ne discerne aucune continuité, aucune évolution. Maruyama Masao montre ici magistralement que la pensée japonaise ne constitue pas un domaine à part. Loin des habituels discours sur une quelconque spécificité japonaise, il cherche au contraire à faire entrer l’histoire intellectuelle de son pays en résonance avec celle de l’Europe. Avec lui, « l’esprit oriental » renoue avec la modernité. Il montre en effet comment le Japon a connu depuis le XVIIe siècle un itinéraire intellectuel qui l’a mené à une conscience historique du monde, même si cette modernité japonaise déboucha un temps sur les drames que l’on connaît. La fresque de Maruyama, où sociologues allemands et philosophes néokantiens côtoient les grands noms du néoconfucianisme, où Hegel voisine avec Ogyû Sorai et Motoori Norinaga, aide à comprendre pourquoi, en plein XXe siècle, « coexistaient activement une technologie capable de construire des navires de guerre parmi les meilleurs du monde, et le mythe national voulant que les souverains suprêmes du Japon fussent choisis pour l’éternité des temps par un oracle de la déesse Amaterasu ». Biographies Contributeurs Masao MARUYAMA
Né à Ôsaka en 1914 de père journaliste, Maruyama Masao grandit à Tôkyô. Malgré l’intermède douloureux de son incorporation en Corée en 1944, puis de sa présence à Hiroshima le 8 août 1945, qui laisseront de durables séquelles sur sa santé, il enseigna à l'université de Tôkyô cette discipline alors nouvelle qu’était l’histoire des idées politiques.Il démissionna en 1968, mais poursuivit une œuvre magistralement inaugurée par les présents Essais réunis en 1952 et que vint couronner son élection à l'Académie des Sciences du Japon en 1979. Maruyama fut aussi le chantre de la démocratie et du pacifisme et il contribua de manière déterminante à en faire les leitmotive du discours intellectuel japonais de 1945 aux années 1960 en animant un célèbre Comité de discussion sur les problèmes liés à la paix. En pleine Guerre froide, il fut en effet le chef de file des intellectuels japonais qui virent dans le pacifisme l’occasion de fonder activement la démocratie d’après-guerre sur des valeurs universelles en établissant entre paix et démocratie une véritable relation conceptuelle. À partir des années 1970, il se retira, devenant « l'homme silencieux qui dérange » (Philippe Pons) chaque fois que sa plume créait l'événement en bousculant les a priori de ses contemporains. Accablé par la maladie, ce « grand citoyen du XXe siècle » s’est éteint le 15 août 1995, jour anniversaire de la capitulation du Japon et de la mort de sa mère à qui sont dédiés ces Essais. |