Description |
“Ce que je voulais de ma pauvre sœur de misère, c’était lui demander quelles brutalités, quels actes vulgaires et honteux avaient commis sur elle les hommes montés jusqu’à ce jour dans cette pièce. Je voulais ensuite dénoncer l’horreur de leurs comportements et, faisant ainsi étalage de ma nature vertueuse, me glorifier à ses yeux. D’une petite voix, elle finit par me répondre : – T’as envie d’savoir des tas d’choses sur moi, hein ? En ce moment, ça m’est pénible de parler, mais si tu fais vraiment rien d’autre, j‘veux bien t’causer un peu. Je devins écarlate. La garce ! Elle m’avait percé à jour, des pieds à la tête ! Je me sentis à nouveau parcouru de frissons brûlants.” C’est en prison, au cours de l’été 1923, que Hayama Yoshiki rédige La Prostituée. Parue en novembre 1925 dans la revue Bungei sensen, cette véritable bombe politique et littéraire fera accéder instantanément son auteur à la notoriété, bien au-delà des cercles de la littérature prolétarienne. Un soir, trois hommes forcent le narrateur à leur céder son argent. En échange, ils le conduisent jusqu’à une femme agonisante, qu’ils semblent détenir contre sa volonté : “un cadavre qui respire” dont ils lui offrent de faire ce qu’il voudra… Le dialogue qui s’engage posera des questions aussi urgentes que dérangeantes : est-on toujours l’exploité de quelqu’un ? Est-on toujours l’exploiteur de quelqu’un ? Et la plus terrible : “Mais sauver les gens, est-ce que c’est faisable ?” Consentement, conscience de l’exploitation, utilité de la vie misérable… À une époque de précarité, marquée par les flambées de colère et les horizons de crise, La Prostituée reste plus explosive que jamais. |